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1 septembre 2008
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"TESTAMENT DU ROCK vol. 5", Vivonzeureux! Records, 2008

TESTAMENT DU ROCK VOL. 5
collection : "Available"
réf : available 006
date de sortie : 15 août 2008
format : 33t 20 titres

Crédits :

Compilé par Pol Dodu
Pochette et notes de pochette : Pol Dodu
Photo : Gene Vincent & his Blue Caps par X

PS : Lors de sa sortie, ce disque était intitulé "Testament du rock vol. 4". Jusqu'à ce que mon ami Le Vieux Thorax me fasse gentiment rtemarquer, preuve à l'appui (voir ci-dessous, tout en bas) qu'un "testament du rock vol.4" avait bien déjà été édité par Music For Pleasure, probablement à la fin des années 1970 ou au tout début des années 1980. Dont acte. Ce disque est désormais le "Testament du rock vol. 5"... jusqu'à preuve du contraire ! (Pol Dodu, 1er septembre 2008)

Face A

1. RUFUS THOMAS : Bear cat (1953)
(Phillips)
Single Sun n°181
Infos : http://bluesandrhythm.blogspot.com/2007/01/rufus-thomas.html

2. SUGAR BOY & THE CANE CUTTERS : Overboard (1953)
(James "Sugar Boy" Crawford)
Single Checker n°783
Infos : http://bluesandrhythm.blogspot.com/2006/09/james-sugarboy-crawford.html

3. CHUCK BERRY : Thirty days (To come back home) (1955)
(Chuck Berry)
Single Chess n°1610
Infos : http://boogiewoogieflu.blogspot.com/2007/06/chuck-berry.html

4. BO DIDDLEY : Pretty thing (1955)
(McDaniels)
Single Checker n°827
Infos : http://boogiewoogieflu.blogspot.com/2008/06/ellas-mcdaniel-1928-2008.html

5. HUEY SMITH AND HIS CLOWNS : Free single and disengaged (1957)
(Smith - Vincent)
Single Ace n°538
Infos : http://boogiewoogieflu.blogspot.com/2008/03/mambo-time.html

6. HOWLIN' WOLF : Moanin' at midnight (1951)
(Chester Burnett)
Single Ace n°538
Infos : http://fr.wikipedia.org/wiki/Howlin'_Wolf

7. ANDRE WILLIAMS (MR RHYTHM) WITH THE TED WALKER ORCHESTRA & GINO PURIFOY : The greasy chicken (1957)
(Andre Williams)
Single Fortune n°839
Infos : http://surfinbird.centerblog.net/4151751-ANDRE-WILLIAMS-et-the-5-DOLLARS

8. LOUIS PRIMA : Beep-Beep (1957)
Single Capitol n°3856
Infos : http://www.louisprima.com

9. GENE VINCENT : Who slapped John (1956)
(Gene Vincent - Sheriff Tex Davis)
Single Capitol n°3558
Infos : http://gene-vincent.iquebec.com

10. MAGALI NOEL : Fais-moi mal Johnny (1956)
(Alain Goraguer - Boris Vian)
33t 25cm Philips n°N 76.089 R
Infos : http://www.amourdurocknroll.fr/pages/magali_noel.html

 

Face B

11. STAN FREBERG : Heartbreak Hotel (1956)
(Mae Boren Axton -Thomas Durden - Elvis Presley)
Single Capitol n°CP-1100
Infos : http://www.povonline.com/freberg/Freberg01.htm

12. FATS DOMINO : The big beat (1957)
(Antoine "Fats" Domino - Dave Bartholomew)
Single Imperial n°5477
Infos : http://en.wikipedia.org/wiki/Fats_Domino

13. ELMORE JAMES : Rock my baby right (1952, édité en 1954)
(Elmore James)
Single Flair n°1048
Infos : http://home.online.no/~smpeders/ind-elmo.htm

14. THE "5" ROYALES : Say it (1957)
Single King n°5082
Infos : http://www.rockabilly.nl/references/messages/5_royales.htm

15. CLYDE McPHATTER : A lover's question (1958)
(Brook Benton - J. Williams)
Single Atlantic n°1199
Infos : http://en.wikipedia.org/wiki/Clyde_McPhatter

16. THE STOREY SISTERS : Bad motorcycle (1958)
(Williams - Browne)
Single Cameo n°126
Infos : http://dmdb.org/cgi-bin/plinfo_view.pl?SYN053134

17. THE ROBINS : I'm living OK (1950)
(The Robins)
Single Savoy n°752
Infos : http://home.earthlink.net/~jaymar41/robins.html

18. JOHNNY CASH : I walk the line (1956)
(Johnny Cash)
Single Sun n°241
Infos : http://en.wikipedia.org/wiki/I_Walk_the_Line

19. MARINO MARINI ET SON QUARTETTE : Buona sera (Signorina) (1958)
(Carl Sigman - Peter De Rose - Loulou Gasté)
EP Vogue-Durium n°DVEP 95.047
Infos : http://vivonzeureux.blogspot.com/2008/06/marino-marini-et-son-quartette-buona.html

20. THE FOUR KNIGHTS : (It's no) Sin (1951)
(Chester R. Shull - George Hoven)
Single Capitol
Infos : http://vivonzeureux.blogspot.com/2007/10/4-knights-sing.html

Vers le milieu des années 1970, le rock avait à peine vingt ans. Une génération à peine était passée depuis ses débuts, mais le rock'n'roll appartenait déjà au passé. Il faut dire que cette génération incluait l'intégralité des sixties, une décennie pendant laquelle la société occidentale a été profondément et très rapidement bouleversée, depuis le succès du rock et de ses avatars avec la frénésie de son public adolescent à la fin des années 50 et au début des années 60 jusqu'à la vague hippie-psychédélique et aux mouvements sociaux de 67-68.
Le rock n'était pas encore muséifié vers 70-75, mais il se prêtait déjà à la nostalgie. Les pionniers du rock comme Chuck Berry, Bo Diddley, Jerry Lee Lewis ont bénéficié des premières tournées revival et de sessions d'enregistrement prestigieuses, notamment à Londres, avec de grandes vedettes de la pop musique, comme on les appelait à l'époque. Le film American graffiti, qui a plus ou moins lancé la vague rétro, est sorti en 1973 tandis que la série Les jours heureux/Happy days, avec Fonzie notammment, est passée sur la télévision française à partir de 1976. En France toujours, Johnny Hallyday et Eddy Mitchell peaufinaient déjà leur légende en se penchant sur leurs jeunes années, que William Sheller (Comme dans un vieux rock'n'roll, 1976) et Laurent Voulzy (Rockollection, 1977) allaient bientôt revisiter.

Sentant l'humeur du moment, et le bon coup à jouer, EMI, qui devait être à l'époque la plus grosse maison de disques du monde, via sa filiale de disques pas chers Music For Pleasure a édité à partir de 1974 une série de quatre compilations d' "enregistrements originaux" des années 50 intitulée Testament du rock. Ces disques, vendus surtout en grande surface pour moins de 15 francs (alors qu'un 45 tours coûtait environ 10 francs à l'époque) ont été largement diffusés, surtout les n°s 1 et 2. Le premier de la série a été certifié disque d'or (100 000 exemplaires vendus).
Sur ces quatre compilations, on trouve du rock, et même un classique éternel du rock, Be-bop-a-lula de Gene Vincent, une rockeuse (Wanda Jackson), du rhythm'n'blues avec Johnny Otis, et même plein de titres de Louis Prima, qui vient plutôt du jazz et du music-hall, mais qui était signé chez EMI.
Pour ma part, c'est avec les deux premiers volumes de la série, qui ont intégré assez vite la discothèque familiale, que j'ai découvert le rock and roll des ancêtres, mes titres favoris étant Be-bop-a-lula, Stupid cupid, Let's have a party et les beaucoup moins rock'n'roll Buona sera et Over the rainbow.
Aujourd'hui, une trentaine d'années après la parution de Testament du rock vol. 4, et alors que le rock a plus de cinquante ans, Vivonzeureux! Records est heureux de vous présenter le volume 5 de Testament du rock. La parution de ce disque est rendue possible par le fait que les titres de cette époque sont désormais plus ou moins dans le domaine public, même si cette situation évolue d'un jour à l'autre de part et d'autre de l'Atlantique en fonction des actions de lobbying de l'industrie du disque. Elle est aussi rendue possible grâce au fait que, bien que cette musique fasse désormais effectivement partie de notre histoire, elle n'a jamais été aussi présente et vivante, grâce à la multiplication des rééditions de qualité (y compris les séries à prix bradés comme les coffrets Les triomphes vendus chez Carrefour) et au travail de nombreux sites et blogs (WFMU, Boogie-Woogie Flu, Living In Stereo pour n'en citer que trois) qui nous font découvrir chaque jour des titres de grande qualité et qui restent tout à fait accessibles à nos oreilles du 21e siècle, même si on est surpris de découvrir que leur première édition fut en 78 tours (ce qui est le cas de la majorité des titres sélectionnés ici). On se réjouit quand même qu'un nombre non négligeable des interprètes de ce disque soit encore parmi nous aujourd'hui, notamment Fats Domino, Chuck Berry, Magali Noël et Andre Williams.
Pour sélectionner les titres de ce volume 5, nous ne nous sommes pas restreints au catalogue d'EMI, qui a d'ailleurs dû beaucoup évoluer en trente ans. Le critère retenu pour sélectionner les vingt titres de ce 33 tours bourré à craquer est très simple : il fallait que les chansons nous plaisent, nous fassent chanter sans nous en rendre compte, nous fassent danser, voire même nous fassent rire aux éclats, sans que la seule nostalgie ait rien à voir là-dedans. Il a été décidé de ne choisir que des titres enregistrés en 1958 ou avant et, afin de conserver une certaine unité à la collection, Gene Vincent, Louis Prima et Johnny Otis sont tous présents. Ne manque que Wanda Jackson parmi les artistes figurant systématiquement sur les quatre premiers volumes de la collection.

L'album s'ouvre avec Bear cat de Rufus Thomas. Comme plusieurs autres titres de ce disque, il s'agit d'un enregistrement qui, à l'origine, était déjà un pastiche (du Hound dog de Big Mama Thornton). Il me semble que les outrances que nécessitent la satire permettent souvent à ces enregistrements de mieux vieillir. Ce n'est que dans les années 60 que Rufus Thomas s'est lancé à fond dans la carrière discographique, avec son classique Walkin' the dog, de nombreux autres titres animaliers comme Funky chicken et des duos avec sa fille Carla, mais pour moi Bear cat vaut toutes les versions de Hound dog du monde, qu'elles soient d'Elvis ou des autres, et cette chanson est assez réaliste pour parvenir à réveiller mon chat à chaque fois que je l'écoute !
Le pauvre "Sugar boy" Crawford est surtout connu pour s'être fait dépouillé de la majorité de ses droits quand Iko iko, entièrement pompé sur son Jock-a-mo de 1954, est devenu un tube énorme dans les années 60 pour les Dixie Cups. Le frénétique Overboard est la face B du premier enregistrement de Crawford pour Chess. L'enregistrement est peut-être aussi relâché et fou tout simplement parce qu'il s'agissait d'une audition pour le label, pas spécifiquement prévue pour être éditée.
Thirty days de Chuck Berry est sorti sur son deuxième single, mais il fait partie des quatre titres enregistrés lors de sa première session pour Chess en 1955, qui a également donné le premier single Maybelline. Chuck donne un ultimatum de trente jours à sa nana pour rentrer au bercail. trente jours, ça laisse de la marge, mais Chuck n'a pas l'air sûr de lui car, après s'être adressé à une gitane, il compte recourir à la justice, au FBI et même aux Nations Unies !
Avec Pretty thing, Bo Diddley aborde un thème éternel ("Joli petit lot, je voudrais me marier avec toi"...). L'influence du rythme à la Bo Diddley se fait sentir sur le Free single and disengaged du pianiste Huey Smith qui, avec ses Clowns, ne se prenait pas trop au sérieux, mais dont l'enregistrement est d'excellente qualité.
Howlin' Wolf, tout comme Elmore James, est un artiste généralement classé comme bluesman, mais les frontières stylistiques sont inexistantes en musique. Moanin' at midnight est produit par Sam Phillips, patron de Sun Records et découvreur d'Elvis Presley, tandis que, sur Rock my baby right, on trouve au piano Ike Turner, créateur de Rocket 88, le titre crédité à Jackie Brenston très officieusement réputé pour être le "premier" single de rock'n'roll.
Andre Williams et Louis Prima sont de grands showmen. Suite à Bacon fat, Williams fait merveille avec ses propos graveleux sur The greasy chicken, sur la musique des Five Dollars. Beep-Beep de Louis Prima a été enregistré en 1956 mais n'est sorti qu'en 1957 : peut-être parce que cette année-là un engin nommé Spoutnik avait commencé à faire bip-bip dans le ciel... Louis Prima est présent indirectement une seconde fois sur ce disque, avec la reprise très délicate de Buona sera par Marino Marini et son quartette. C'est cette chanson dans sa version originale qui ouvrait le premier volume de la série Testament du rock. Le groupe italien interprète Buona sera en français, il s'agit donc d'une reprise de la version de cette chanson par Line Renaud (!), ce qui nous donne l'occasion de créditer Loulou Gasté pour son adaptation française, lui qui fut l'un des premiers à importer le rock par chez nous.
John a dit "C'est ma nana". Un mec a dit "C'est ma nana". Les lumières se sont abaissées. Qui a giflé John ? Voilà la tranche de vie que raconte, sans se prendre trop au sérieux Who slapped John de Gene Vincent, une face de single et un titre d'album de 1956. Pour avoir la réponse à cette question et connaître la coupable, il faut, toujours en 1956, traverser l'Atlantique et écouter Magali Noël nous expliquer à propos de ce Johnny : "Il m'énervait, je l'ai giflé et j'ai crié d'un air farouche, Fais-moi mal Johnny Johnny Johnny". Boris Vian ne concevait le rock en français que burlesque et au énième degré mais force est de constater que, plus de cinquante après, sa chanson interprétée par Magali Noël n'a pas encore pris une ride.
Tout comme la parodie de Heartbreak Hotel d'Elvis Presley par le comique Stan Freberg, qui remonte elle aussi à 1956. Comme quoi on pouvait se moquer du rock and roll et préfigurer les Cramps quelques mois à peine après l'arrivée du King au premier plan.
Fats Domino, comme Chuck Berry, est une légende vivante. Il a survécu - de justesse - à Katrina et on fêtera l'an prochain le soixantième anniversaire de la sortie de son premier single, The fat man. The big beat est un hommage tout simple au gros rythme du rock and roll, capable de faire se lever et se bouger tout le monde, y compris les vieux et les estropiés.
Nous enchaînons sur la face 2 quatre titres plus ou moins doo-wop. Say it des "5" Royales surprend par la proéminence de sa guitare électrique. A posteriori, certains ont même évoqué un son pré-Hendryx, pourtant ce titre date de 1957. A lover's question est plus classique, mais c'est un excellent hit du fondateur des Drifters. Bad motorcycle était sorti en 1957 sous le nom des Twinkles et était passé inaperçu. Ressorti dans la même version sous le nom des Storey Sisters, le single a bien mieux marché. Il aurait été dommage que ce titre reste inconnu, tellement les soeurs Storey font bien "Vroum vroum vroum". Phil Spector a dû prêter bien attention à l'écoute de ce disque... I'm living OK sonne comme un très bon mais plus classique titre de doo-wop, avec là aussi de la guitare électrique. Sauf que, sorti en 1950 (l'enregistrement le plus ancien de ce disque), il s'avère que c'est l'une des toutes premières réussites du genre. Qui plus est, les Robins étant accompagnés par le Johnny Otis Orchestra, cela nous permet de faire figurer dans ce disque un artiste présent dans les quatre premiers volumes de la collection.
Country ? Rock ? Rock ? Country ? On se fout de l'étiquette et Johnny Cash aussi. I walk the line est une grande chanson d'amour et un grand classique, même sans la batterie ("interdite" alors sur les disques de country) avantageusement remplacée ici par un bout de papier glissé entre les cordes de la guitare de Cash.
Depuis que j'ai acheté il y a presque un an un EP des Four Knights qui contient cette reprise de (It's no) Sin, j'ai eu l'occasion d'écouter deux versions qui furent des tubes en 1951, l'originale des Four Aces et la reprise d'Eddy Howard, ma préférée reste celle des Four Knights, une épure parfaite avec juste une guitare électrique et les quatre voix des chanteurs. Elle permet de clore notre compilation très calmement, à la manière du Over the rainbow de Gene Vincent sur le premier volume de la série.

Pol Dodu, août 2008.


Notes de pochette du premier volume de la série Testament du rock par Frank Lipsik, 1974.
Il y a juste une grosse bêtise à noter : la musique elle-même ne peut pas compter moins que l'influence qu'elle a eue, car sans musique,
et sans l'impact qu'a créé l'industrie du divertissement, pas d'influence !

Précédemment parus dans cette collection :

TESTAMENT DU ROCK VOL. 1 (Music For Pleasure, 1974) TESTAMENT DU ROCK VOL. 2 (Music For Pleasure, 1974)
TESTAMENT DU ROCK VOL. 3 (Music For Pleasure, 1976)TESTAMENT DU ROCK VOL. 4 (Music For Pleasure)